Dans l’après-coup, nous ne comprenons pas toujours nos réactions ou notre absence de réaction face à un évènement stressant ou un danger.
Peut-être ignorez-vous que nous sommes, tout comme les animaux, équipés d’un système de survie instinctif, réflexe, qui s’active automatiquement sans que nous le choisissions ou le décidions.
Ces réponse de survie sont dans un continuum de réactions et de comportements appelé cascade de défense. Les quatre principales réponses sont appelées Flight, Fight, Freeze et Fawn, traduites ici par Fuite, Combat, Figement et Soumission.
Face à un stress émotionnel ou un danger, une cascade de réponses physiologiques est déclenchée par le cerveau primitif, préparant efficacement notre organisme à fuir ou à combattre afin d’
Freeze : le Figement comme stratégie de survie
Si nous ne pouvons ni fuir ni combattre, ou qu’aucune de ces deux actions ne permet d’assurer notre sécurité, notre système nerveux parasympathique nous fait sortir de notre fenêtre de tolérance en déclenchant une réponse de figement, d’immobilisation.
L’intérêt de cette stratégie de survie est peut-être plus évident dans le monde animal, avec qui nous partageons ces réactions instinctives. L’animal qui fait le mort devient à la fois plus difficile à repérer et moins attrayant pour un prédateur qui pourrait le considérer comme déjà mort et donc non comestible, ce qui lui laisserait une chance de s’échapper (Levine, 2024, p.80-91).
Chez l’être humain, nous pouvons faire le parallèle avec l’abandon dans une situation sans solution ou l’abandon de toute résistance à l’agresseur qui serait vaine et pourrait exacerber son agressivité (Walker, 2024).
Effondrement et dissociation : réactions à une peur extrême
Si la peur est trop intense et qu’il n’y a aucune échappatoire à une effraction psychique ou physique, la branche vague dorsale du système nerveux autonome déconnecte notamment les circuits des sensations et des émotions, permettant de protéger l’organisme d’un trop plein d’hormones de stress et de ne pas ressentir la douleur (Porges, 2021). Elle nous fait sortir de notre fenêtre de tolérance et nous plonge dans un état d’effondrement, de paralysie, de déconnection de soi et de l’environnement.
Un cycle pathologique de peur et de figement peut s’installer même s’il n’y a plus de menace réelle (Levine, 2024, pp. 80-91). Le processus naturel de sortie du figement peut se bloquer, une dysrégulation émotionnelle s’installer et une empreinte traumatique se fixer (Smith, 2021).
Fawn : la Soumission comme mécanisme de protection
Une quatrième stratégie de survie dont le caractère inconscient est débattu, a été plus récemment développée par P. Walker : le Fawn qui peut se traduire par une réponse de soumission, d’oublie de soi, de satisfaction des attentes de l’autre pour se protéger d’une relation négligente ou menaçante à laquelle on ne peut échapper. On peut penser au chien qui se met sur le dos pour sa soumission au chien dominant ou à un otage qui exécute les ordres de son ravisseur ou cherche à l’apaiser dans l’espoir qu’il lui laisse la vie sauve.
Des réponses au stress adaptatives ou rigides
Si les mécanismes physiologiques sont les même chez chacun d’entre nous, les critères d’évaluation du danger qui déclenchent une réponse de survie ne sont, par contre, pas les mêmes pour tous. Ils sont notamment relatifs à la qualité de notre attachement primaire (Smith, 2021), à nos expériences de vie et aux événements traumatiques vécus dans le passé.
Impact des traumatismes précoces sur les réponses au stress
Un enfant qui grandit dans un environnement familial « secure », a de bonnes chances de devenir un adulte qui fera preuve d’une bonne adaptabilité au stress, en ayant un accès efficace aux quatre réponses de Combat, Fuite, Figement et Soumission (Walker, 2024). Il sera en capacité de poser ses limites et de faire preuve d’une agressivité saine pour se défendre ; de suivre son instinct de fuite face aux confrontations trop risquées ; d’abandonner dans une situation sans solution ; de savoir faire des compromis, s’effacer et être à l’écoute des autres.
Rigidité des réponses de survie à l’âge adulte
En fonction des difficultés ou des traumatismes vécus dans l’enfance et tout au long de notre vie, nos réactions vont s’exprimer sur un continuum d’intensités jusqu’à la cristallisation traumatique.
Si ces réactions se rigidifient trop, elles peuvent être sources de souffrance pour la personne devenue adulte, paraître disproportionnées, inadéquates ou délétères. Néanmoins, elles résultent d’un système de survie qui a eu un rôle vital à jouer et qui, aujourd’hui, laisse la possibilité d’être assoupli et de développer une meilleure capacité de régulation émotionnelle.
Conclusion
En résumé
- Face à un stress ou un danger, notre organisme réagit automatiquement par des mécanismes de survie non réfléchis et non conscients.
- Les principales réactions sont au nombre de quatre : Fuite (Flight), Combat (Fight), Figement (Freeze) et Soumission (Fawn).
- Fuite ou Combat (Fight or Flight) :
ces réponses sont déclenchées par le cerveau primitif libérant des hormones comme le cortisol et l’adrénaline pour préparer le corps à l’effort. - Figement (Freeze) : en l’absence de possibilité de fuir ou de combattre, le système nerveux parasympathique déclenche une immobilisation, une stratégie de survie courante dans le monde animal (faire le mort).
- Dissociation : en cas de terreur sans échappatoire au danger, le système vagal dorsal déconnecte les sensations et émotions pour éviter la souffrance et protéger l’organisme d’un trop plein d’hormones de stress.
- Soumission (Fawn) : stratégie de survie où l’individu se soumet ou cherche à faire plaisir pour se protéger de dangers relationnels inévitables.
- Les réponses de survie varient selon l’attachement primaire, les expériences de vie et les traumatismes passés.
- Un environnement familial sécurisant favorise une adaptabilité au stress et un accès équilibré aux quatre réponses de survie à l’âge adulte.
Références
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Porges, S. W. (2021). La théorie polyvagale : Fondements neurophysiologiques des émotions, de l’attachement, de la communication et de l’autorégulation. EDP Sciences.
Schmidt, N., B., et al. (2008). Exploring human freeze responses to a threat stressor. Journal of behavior therapy and experimental psychiatry, 39(3).
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Walker, P. (2024). Le trouble de stress post-traumatique complexe – De la survie à l’épanouissement : comment se remettre des traumatismes de l’enfance. Dangles.
Infographies
Librement adaptées de Ruth Lanius & Nicabm ainsi que du centre Bertha Pappenheim :
Nicabm. (s.d.). [Infographic] – How the Nervous System Responds to Trauma. Nicabm. Consulté le 31 juillet 2025 sur https://www.nicabm.com/how-the-nervous-system-responds-to-trauma/
Centre Bertha Pappenheim. (2021, 13 septembre). Le stress post-traumatique complexe. Centre Bertha Pappenheim. https://centre-bertha-pappenheim.fr/2021/09/13/le-stress-post-traumatique-complexe/